Les chevaux tombés au champ d’honneur
Il n’est évidemment pas possible de comptabiliser le nombre de chevaux tombés sur les champs de batailles depuis que l’homme a commencé à utiliser les services de celui qui allait devenir, contraint et forcé, son compagnon d’armes, qu’il soit attelé ou monté.
Un champ de bataille réputé meurtrier pour les hommes ne l’a pas moins été pour les chevaux, ce fut celui de la guerre de 1914-1918. Si beaucoup des hommes tombés n’avaient pas pleinement choisi d’être là, on peut affirmer qu’aucun des chevaux n’était volontaire pour souffrir et mourir ainsi. D’autant que beaucoup de chevaux victimes de cette guerre, notamment au début, l’ont été par manque de soins avant même de tomber sous les frappes ennemies. On ne sait pas si les mesures prises peu à peu pour limiter l’hécatombe de la cavalerie le furent plus par souci de prendre soin des pauvres chevaux que parce que l’on se rendit compte du gaspillage de cette ressource indispensable au combat !
On connait l’attachement des Anglais pour le cheval, ce n’est donc guère surprenant si en Angleterre de nombreux médias se sont élevés contre les traitements infligés aux chevaux avec des titres comme « gaspillage des chevaux de réquisition »…
Au début de la guerre, ce sont près de 180.000 chevaux qui avaient été rassemblés en Angleterre dans d’immenses camps où ils étaient attachés à des cordes, exposés aux intempéries, sans la moindre couverture. Beaucoup périrent de broncho-pneumonie. Dans un seul de ces camps qui rassemblait de jeunes chevaux arrivés du Canada, on a dénombré 200 chevaux morts par semaine.
En France, nombre de chevaux furent victimes de privations, mais aussi de manque de soins alors qu’ils n’étaient que légèrement blessés, que ce soit au cours des combats ou simplement pour des blessures de harnachement. Soignés, ces chevaux auraient pu reprendre leur place sur le champ de bataille.
Certains soldats écœurés on raconté avoir vu des groupes entiers de chevaux n’ayant pas été dételés pendant des mois ! Impossible alors d’enlever le harnachement, incrusté dans la peau de ces malheureux chevaux, sans provoquer de terribles blessures…
Des hôpitaux pour chevaux
A peine quelques mois avant la guerre de 14-18, un capitaine Français avait proposé aux directions de la cavalerie et du service vétérinaire de Ministère de l’Intérieur que soit créée une « Croix-Rouge » pour les chevaux. La question était inscrite à l’ordre du jour, mais n’avait pas été tranchée au commencement des hostilités. Ce sont les Anglais qui ont fondé la Croix-Bleue et la Croix-Violette qui secourent le cheval-soldat « combattant anonyme sans gloire, victime courageuse, sans tertre ni croix ». Ils avaient pour mission de parcourir le terrain, de ramener tous les chevaux guérissables et de faire abattre immédiatement tous ceux dont les blessures étaient incurables.
La Croix-Bleue fut reconnue comme société de secours aux chevaux blessés par le Ministre de la Guerre qui donna des instructions pour que cette structure ait toutes facilités pour l’organisation, en arrière des armées, de dépôts où les chevaux seront confiés à ses soins.
Au début de la guerre, lorsque des hôpitaux vétérinaires avaient été installés, à l’arrière ou à l’intérieur des lignes, ils étaient très démunis, manquant autant de personnels que de médicaments. A l’exemple de l’un de ces hôpitaux où l’on comptait un seul vétérinaire et une dizaine de palefreniers pour tenter de soigner plus de 950 chevaux blessés.
Le rapport d’un général attira l’attention des commandants de guerre sur les causes probables du gaspillage constaté au sein de leur cavalerie. Il notait le défaut de surveillance, l’abus des allures excessives, le maintien inutile du harnachement et parfois de son cavalier sur le cheval au repos, une mauvaise alimentation, le défaut d’abreuvement, d’abri, de litière, de ferrure… « C’est très bien d’acheter partout des chevaux, dit le général Cherfils, ce serait mieux de ne pas laisser périr faute de soins ceux que nous avons ».
Lors de la traversée de villages, il fut parfois décidé de confier à des paysans, par l’intermédiaire de leur municipalité, les chevaux fourbus ou légèrement blessés. Ce principe se révéla positif car il permit de récupérer des chevaux en forme avec un léger débours de l’armée pour le paysan qui s’était occupé de remettre le cheval en état. Cependant, l’armée n’étant pas toujours prête à garantir les frais d’entretien de ses montures ainsi confiées à des paysans, certains ne prirent donc pas grand soin des chevaux dont on leur confia la charge.
Le cheval auxiliaire de la victoire…
Tous les pays considèrent le cheval comme un auxiliaire indispensable à leurs victoires. Il est souvent reconnu comme un combattant au même titre que le soldat dont il partage la vie, les fatigues, les blessures.
L’écrivain Urbain Gohier écrivit : « Si merveilleux que soit notre canon de 70, il ne servirait pas à grand chose s’il n’y avait pas de chevaux pour l’amener en position ».
Après la guerre de Mandchourie, les Japonais ont rendu hommage à leurs « chevaux morts pour la patrie » en leur élevant un monument.
Les cavaliers russes priaient ainsi pour leurs chevaux : « Seigneur, pour ces humbles créatures qui supportent avec nous le fardeau du jour et offrent leur vie innocente pour le pays, nous faisons appel à la tendresse de ton cœur, car tu as promis le salut aux hommes et aux animaux, et immense est ta bonté, ô Seigneur ! ».
Un soldat Anglais raconte ainsi le fait d’arme d’un cheval ayant sauvé la vie de son cavalier : « Un jour, au cours d’une violente action, son cavalier fut envoyé à terre, atteint d’une balle. La troupe était en marche à ce moment. Lorsque le cavalier vint à toucher le sol, le cheval s’arrêta alors, souleva l’homme avec ses dents par ses vêtements et se rendit avec son fardeau près d’un groupe d’autres cavaliers. Le cavalier fut de là transporté à une ambulance de première ligne, où le docteur assura que, si ce blessé avait séjourné quelques heures sur le sol, sans soins, il serait inévitablement mort ».